"[...] En occident, on versera un pleur de connivence sur la perte
sèche, mais, n'est-ce pas, faut ce qu'il faut. Là non plus, pas sur les
canards. Qui pleure sur un canard ? Je vais vous épater : moi, je
pleure sur un canard. Ces multitudes de vies tolérées à seule fin de
grossir le plus vite possible pour être transformées en merde par nous,
6 milliards de tristes connards, et balancé aux ordures toutes
palpitantes parce que les traîtres connards ont peur pour leur petite
gueule si importante. Oui, vaut mieux que j'arrête, je perds les
pédales. Notre petit confort, nos petits bonheurs de gourmandise ont
les pieds dans un marécage de sang, de merde, de souffrance et de
superbe indifférence. Savez-vous quoi ? Je ne puis plus voir des vaches
dans les champs, des moutons, des poules picorant sans, tout de suite
après le premier attendrissement, sentir une main qui me broie les
tripes en même temps qu'une voix me hurle dans la tête: "des condamnés
à mort ! Ce sont tous des condamnés à mort !". J'essaie de me dire "ils
ne savent pas." Je n'en suis pas très sûr. Et les oiseaux sauvages ? Ah
ceux-là hein ? Eh bien ce sont des salauds. Méprisant les frontières et
les embargos, ils transportent dans les migrations les sales virus et
les sèment par le monde. Sus aux migrateurs ! Chasseurs, à vos fusils !
Tuez tout, on a pas le temps de leur regarder le blanc de l'oeil ni de
leur prendre le pouls."
François Cavanna
![](http://natachagalgos.vefblog.net/photos_gros/2009/06/NatachaGalgos124455438238_gros.jpg)
Avoir davantage pitié des bêtes que des hommes, c'est pas très bien vu
chez les hommes. C'est considéré comme une sorte de désertion, de
trahison, voire de perversion ou d'infirmité mentale. Mais bon dieu,
nous sommes hommes par hasard. Tant mieux, j'aime bien comprendre le
monde. Et c'est justement parce que je suis homme que je puis
transcender cet instinct grégaire, irréfléchi, purement animal qui fait
se serrer les coudes aux hommes, les incite à diviniser l'homme
par-dessus toute créature. Réflexe spontané, réflexe normal. Normal
chez une oie, chez un phoque, chez un hareng. Un homme devrait aller
plus loin. C'est parce que j'essaie d'être vraiment, pleinement homme,
c'est-à-dire une bête avec un petit quelque chose en plus, que je mets
sur un pied d'égalité ce qui est homme et ce qui ne l'est pas.
M'emmerdez pas avec votre St François d'Assise, j'ai pas de paradis à
gagner. Mon amour des bêtes est bien autre chose qu'un attendrissement
devant le mignon minet, bien autre chose qu'une lamentation devant les
espèces, j'm'en fous, je ne suis pas collectionneur d'espèces, des
millions d'espèces ont disparu depuis que la première lave s'est figée.
Seuls m'intéressent les individus. Mon horreur du meurtre, de la
souffrance, du saccage, de la peur infligée fait de ma tranche de vie
une descente aux enfers. Nous tous, les vivants, ne sommes-nous donc
pas des passagers de la même planète ? L'homme n'a pas besoin de ma
pitié : il a largement assez de la sienne propre. S'aime-t-il le bougre
! la littérature, la religion, la philosophie, la politique, l'art, la
publicité, la science même n'intéressent les hommes que lorsqu'ils les
mettent au premier plan, tous ne sont qu'exaltation de l'homme,
incitations à aimer l'homme, déification de l'homme. Les bêtes n'ont
pas, si j'ose dire, la parole. Elles n'ont pas d'avocat chez les
hommes. Elles ne sont que tolérées. Tolérées dans la mesure où elles
sont utiles, ou jolies, ou attendrissantes. Ou comestibles. Les hommes
les ont ingénieusement classées en animaux « utiles » et animaux «
nuisibles ». Utiles ou nuisibles pour les hommes, ça va de soi. Les
chinois ont patiemment détruit les oiseaux parce qu'ils mangeaient une
partie du riz destiné aux chinois.
De quel droit les chinois sont-ils si nombreux qu'il n'y a plus de
place pour les oiseaux ? Du droit du plus fort, hé oui ! Voilà qui est
net ! Ne venez plus m'emmerder avec votre supériorité morale. Ni avec
vos bons dieux, faits à l'image des hommes, par les hommes, pour les
hommes. Si les petits cochons atomiques ne mangent pas l'humanité en
route, il n'existera bientôt plus la moindre bête ni la moindre plante
« nuisible » ou « inutile ». Le travail est déjà bien avancé et le
mouvement s'accélère. La mécanisation libèrera -peut-être - l'homme du
travail « servile ». Elle a déjà libéré le cheval : il a disparu. On
n'a plus besoin de lui pour tirer la charrue, il n'existe quasiment
plus à l'état sauvage, adieu le cheval. Oui, on en gardera
quelques-uns, pour jouer au dada, pour le tiercé, pour le ciné, pour la
nostalgie. L'insémination artificielle a déjà réduit l'espèce « boeuf »
à ses seules femelles. Un taureau féconde -par la poste- des millions
de vaches. Oui, on s'en garde quelques-uns pour les corridas, spectacle
d'une « bouleversante grandeur » où l'homme, intelligence « sublime »,
affronte la bête, les yeux dans les yeux ... oui, on se garde quelques
faisans, quelques lapins, quelques cerfs ... pour la chasse. On se
garde quelques éléphants pour que les petits merdeux aillent les voir
dans les zoos, et quelques autres dans des bouts de savane pour que les
papas des merdeux aillent y faire des safaris-photos après le déjeuner
d'affaires. Pourquoi je m'énerve comme ça ? Parce que je les voudrais
semblables à ce qu'ils se vantent d'être, ces tas : un peu plus, un peu
mieux que les autres bêtes. Mais non, ils le sont, certes, mais pas
assez. Pas autant qu'ils croient. A mi-chemin. Et à mi-chemin entre ce
qu'est la bête et ce que devrait être l'homme, il y a le con. Et le con
s'octroie sans problème la propriété absolue de la Terre et de tout ce
qui vit dessus, et même l'univers entier, tant qu'une espèce plus forte
ou plus avancée techniquement mais tout aussi con ne l'aura traité
lui-même comme il traite ce qui lui est « inférieur » « inférieur ».
Rien que ce mot ! Il y a même toute une hiérarchie ....
François Cavanna
Source: http://www.spa.asso.fr/964-les-coups-de-gueule-de-cavanna.htm
Commentaires
bonjour !
J'applaudis des deux mains !!!
Un animal n'est pas un meuble, ni un jouet dont on se débarrasse lorsque on se lasse !!!
Avec les vacances qui approchent, bcp vont être abandonnés...affligeant...
tout comme (et c'est vrai par expérience) les personnes âgées se retrouvent en maison de retraite plus nombreux en cette période aussi...
Ne t'inquiéte pas pour "la politesse", c'était pas mon but !!
bisous et courage !!!
co