Publié le 16 Avril 2009
"Ca ressemble à du Walt Disney, mais c'est dans la vraie vie. L'avenir de l'hôtel Negresco sera un jour un remake des Aristochats.
Dans le blockbuster de la maison Disney, c'est « Duchesse » et son chat de gouttière de fiancé qui héritent des biens de « Madame ».
Sur la Promenade des Anglais, le palace mythique fondé en 1912 par Henri Negresco ne deviendra certes pas le plus extravagant chenil de la planète, ni une annexe grande luxe d'un asile de nuit. Par la volonté de sa propriétaire, tous les bénéfices qu'il pourra générer - et que gérera la fondation qu'elle vient de créer - serviront en revanche à soulager les misères, toutes les misères : « Après tout lorsque je finance le dressage d'un chien d'aveugle que fait-on d'autre qu'aider le mal voyant tout en évitant qu'un chien abandonné finisse par être euthanasié. »
« Contrairement à bien des rupins... »
Sa décision, elle l'a longuement mûrie. L'idée ne date pas d'hier. Sans doute a-t-elle germé dans la douleur d'un deuil. Lorsque Paul Augier, son mari, disparaît en 1995, elle y songe. Et, au fil des ans, l'idée de cette fondation s'impose comme une évidence : « Michou - un loulou de Poméranie que maman n'avait offert à Noël quand j'étais petite - fut le seul ami de la fille unique que je fus. Aujourd'hui, je n'ai plus personne autour de moi. Et contrairement à bien des rupins, je sais qu'on n'emporte rien dans les deux mètres carrés qui nous servent à tous d'ultime demeure. »
Rien à voir donc avec la foucade d'une excentrique octogénaire. Jeanne Augier n'est pas Leona Helmsley. Si la veuve du magnat Harry Helmsley - propriétaire tout simplement de l'Empire State Building - déshérita ses petits enfants pour léguer 12 millions de dollars à « Trouble », son très cher bichon, Mme Augier, elle, n'a jamais eu l'intention de permettre à Lili, son mini-yorkshire, et Lilou, son bon gros shar-pei, d'intégrer le cercle pas si fermé que ça (!) des milliardaires canins (voir ci-dessous).
Que les choses soient claires, la fondation « Mesnage » - NDLR : un fonds de dotation auquel elle a tenu à donner le nom de son père qui acquit le Negresco en 1957 - aura au moins deux missions « d'intérêt public ».
Parce que gouverner, fut-ce un simple palace avec vue sur Baie des Anges, c'est prévoir, Jeanne Augier vient de régler sa succession : tout son patrimoine, du Negresco à la totalité de ses biens privés (plusieurs dizaines de millions d'euros), ira le jour venu à une fondation privée en charge de la lutte contre la misère animale et de l'aide aux nécessiteux
Un gros os à ronger pour la protection animale
La première sera de préserver le palace contre toute tentative de rachat par un groupe international. « Je veux être sûre que la vie continuera comme avant pour mes 260 collaborateurs, qu'ils ne seront pas sacrifiés sur l'autel de la rentabilité. J'ai reçu des dizaines d'offres de groupes internationaux. Certaines étaient alléchantes, mais je n'y ai pas succombé. La faute à mon patriotisme forcené. Et ce n'est pas à 86 ans qu'on va me changer. »
La seconde sera de continuer de faire tout haut ce qu'elle fait tout bas depuis des lustres. Pasionaria affichée de la lutte contre la « barbarie tauromachique », Jeanne Augier se bat en revanche dans la plus totale discrétion pour sauver ici et là, des dizaines d'animaux d'une fatale euthanasie.
« Je suis furieuse lorsque j'apprends que certains bénévoles vivent dans une misère noire, se sacrifient pour éviter que l'euthanasie soit l'unique solution pour ces animaux qu'on abandonne aujourd'hui aussi vite qu'on les adopte. D'autant plus que je sais que certaines associations - comme la SPA a Paris par exemple - ont accumulé grâce aux dons, des patrimoines impressionnants. »
Sans chercher ni publicité ni piédestal, Jeanne finance ainsi, à hauteur de 25 000 euros par an, deux refuges. L'un à Solenzara en Corse, l'autre dans le Gard à Gervasy. Tous deux auraient dû mettre la clef sous la porte sans sa contribution. Et demain, un jour, le plus tard possible, lorsqu'elle ne sera plus là pour sortir son chéquier, Jeanne veut être sûre qu'il y aura toujours quelqu'un pour faire « le travail ». « Finalement, en décidant en début d'année de faire ce legs, je me dis que je partirai le coeur léger. »
Jean-françois ROUBAUD
Source: http://www.nicematin.com